Non classéGARDE EGALITAIRE : PAS DE PART CONTRIBUTIVE ?

30 avril 2024

Hébergement égalitaire – Quelles conséquences financières?

 

Principes : les frais ordinaires des enfants doivent être assumés en proportion des facultés financières de chacun des parents.

 

En tant que parent séparé se pose toujours la question de l’organisation de l’hébergement des enfants dans la séparation mais aussi des questions financières pour assumer la charge de ceux-ci au quotidien.

Comment se partager les frais ? Qui va percevoir les allocations familiales ? Et la charge fiscale, doit-on la partager ?

Quand un hébergement égalitaire est mis en place, beaucoup pensent qu’il y a lieu de tout partager, en ce compris les allocations familiales et surtout qu’il n’y aura donc pas de part contributive (appelée communément pension alimentaire) à payer à l’autre parent.

Certains vont même jusqu’à demander cet hébergement égalitaire pour « ne pas payer de pension alimentaire » à l’autre parent.

Cette position est-elle justifiée ?

En réalité, non.

Pension alimentaire ou Part contributive ? Quelle différence ?

 

Une petite notion de terminologie s’impose au préalable.

Il existe une confusion très fréquente (et malheureusement accentuée par les termes de la loi elle-même) entre, d’une part, ce que les juristes qualifient de « part contributive » ou encore de « contribution alimentaire » et, d’autre part, ce que l’on appelle classiquement en droit la « pension alimentaire ».

S’il n’est ainsi pas rare d’entendre d’une personne qu’elle paie « une pension alimentaire pour ses enfants », cette affirmation n’est en réalité pas tout à fait correcte sur le plan juridique…

Il y a lieu en effet de distinguer :

  • D’une part, la pension alimentaire (article 301 de l’Ancien Code civil), qui est une somme versée à l’ancien conjoint pour lui-même et qui ne peut être accordée que lorsque les parties étaient mariées, et
  • D’autre part, la part contributive (article 203 de l’Ancien Code civil), qui est un montant versé à l’ancien époux ou partenaire pour l’entretien, l’éducation et la formation des enfants communs qui peut être accordé indépendamment de tout mariage et même si les parties n’ont jamais vécu ensemble.
Quand faut-il payer une part contributive ?

 

Une part contributive sera due quand il existe une trop grande différence de revenus entre les parents.

En effet, l’article 203 de notre code civil prévoit une prise en charge des enfants en fonction de la faculté financière du parent :

 » Art. 203. § 1er. Les père et mère sont tenus d’assumer, à proportion de leurs facultés, l’hébergement, l’entretien, la santé, la surveillance, l’éducation, la formation et l’épanouissement de leurs enfants. Si la formation n’est pas achevée, l’obligation se poursuit après la majorité de l’enfant.
§ 2. Par facultés, on entend notamment tous les revenus professionnels, mobiliers et immobiliers des père et mère, ainsi que tous les avantages et autres moyens qui assurent leur niveau de vie et celui des enfants. »
En tant que parent, il nous incombe donc de participer à tous ces frais de l’enfant et davantage que l’autre si notre situation financière nous le permet.

Il y a donc une notion de « proportion » que beaucoup de parents oublient ou ne connaissent tout simplement pas.

Pour déterminer s’il faut prévoir ou non une part contributive, les Tribunaux et les avocats en droit de la famille tiennent compte de plusieurs éléments :

  • les revenus respectifs de chaque parent
  • l’âge de l’enfant
  • les modalités d’hébergement mises en place
  • le montant des allocations familiales
  • le budget à consacrer aux enfants

En fonction de ces différents critères, une répartition va être opérée.

Ainsi, si l’un des parents perçoit moins de revenus que l’autre, un effet de rectification de cette différence de revenus va d’abord s’opérer en lui attribuant l’intégralité des allocations familiales. Il n’y aura donc pas de partage de ces allocations.

Plus loin encore, si cette disparité n’est pas suffisamment gommée par le versement des allocations et que le parent moins nanti n’aura pas assez pour subvenir correctement aux besoins des enfants par rapport à l’autre parent, ce dernier devra alors aider le premier via le versement d’une part contributive mensuelle.

Le montant variera bien entendu d’une situation à l’autre et de plus en plus de juridictions recourent au calculateur PCA (fondé sur la Méthode RENARD) pour calculer le montant dû.

Pour aller plus loin, donnons quelques explications :

  1. Le coût de l’enfant :

Le coût de l’enfant dépend lui-même de plusieurs données. Il est fonction en effet des besoins de l’enfant, de son âge, mais aussi des revenus des parents.

On considère ainsi qu’un enfant engendre des frais de plus en plus importants à mesure qu’il grandit.

Par ailleurs, les parents plus aisés vont dépenser davantage que les parents moins aisés.

Le nombre d’enfants qui composent la fratrie a également une influence sur le coût de l’enfant puisqu’il existe toute une série de frais « collectifs » qui engendrent une économie d’échelle.

  1. Les facultés respectives des parents :

Le §2 de l’article 203 précité précise que « par facultés, on entend notamment tous les revenus professionnels, mobiliers et immobiliers des père et mère, ainsi que tous les avantages et autres moyens qui assurent leur niveau de vie et celui des enfants ».

Il y a donc lieu de tenir compte des revenus, qu’ils soient professionnels (primes et pécule de vacances inclus), mobiliers (ex : actions) ou immobiliers (revenus locatifs) mais aussi des avantages en nature (voiture, GSM, carte carburant, chèques repas, logement mis à disposition gratuitement, compagnon qui participe aux charges du ménage, etc.).

Puisqu’il est question de « facultés » et non de ressources effectives, il est par ailleurs possible de prendre en compte des revenus virtuels, c’est-à-dire des revenus que la personne pourrait avoir. On pense notamment au cas dans lequel un parent ne travaille pas ou travaille à temps partiel alors qu’il a la possibilité de travailler davantage, ou au cas dans lequel l’un des parents est propriétaire d’un immeuble, qu’il n’occupe pas de façon permanente mais qu’il refuse de mettre en location.

De tout cela, on déduit parfois les charges supportées par chacun des parents. Seules les charges dites « incompressibles » et « exceptionnelles » sont toutefois prises en compte en principe. On ne tient en effet normalement pas compte des dépenses de convenance personnelle et de la vie courante qui sont censées passer au second plan après l’obligation alimentaire.

  1. Le temps d’hébergement assumé par chacun et la contribution réelle de chacun dans les frais de l’enfant :

Par principe, le parent qui héberge d’avantage ses enfants contribue d’avantage en nature à ses frais. Il fait face, en effet, à toute une série de dépenses quotidiennes. Il peut toutefois arriver que le parent qui héberge moins les enfants soit celui qui assume les dépenses ordinaires les plus importantes (médecin généraliste, coiffeur, abonnement GSM, vêtements, etc.).

Afin de calculer le montant de la part contributive, on tient donc compte du pourcentage de temps d’hébergement total des enfants assumé par chacun des parents.

Ce pourcentage peut ensuite être « rectifié » pour correspondre d’avantage à la valeur économique réelle de l’hébergement, en fonction de la prise en charge par chacun des parents, durant son temps d’hébergement, des frais des enfants.

  1. L’attribution des allocations familiales :

Bien entendu, il faut encore prendre en compte la répartition des allocations familiales, qui pourront être soit partagées (par moitié ou selon une autre clé de répartition), soit attribuées à l’un ou l’autre parent dans leur intégralité.

En résumé :

 

Ainsi, au vu de tous ces critères, on comprend qu’une part contributive peut être due par l’un des parents même en cas d’hébergement strictement égalitaire, soit lorsque les facultés et donc les capacités contributives de chaque parent sont significativement différentes, soit lorsque l’un des deux assume davantage de frais liés aux enfants.

Enfin, il paraît important de rappeler que l’objectif principal de la part contributive est de permettre à l’enfant de bénéficier d’un train de vie quasiment équivalent qu’il soit chez l’un ou chez l’autre de ses parents. Il s’agit donc bien d’argent destiné au bien-être des enfants et non à celui de l’ex-conjoint ou partenaire.

Conséquences fiscales du versement d’une part contributive :

 

Les parents qui hébergent leurs enfants dans le cadre d’un hébergement égalitaire devraient normalement se partager la charge fiscale. Mais, en cas de versement d’une part contributive, la charge fiscale doit revenir au parent qui perçoit cette aide.

En effet, le versement d’une aide à l’autre parent sous forme de part contributive permet au parent qui la verse de bénéficier d’avantages fiscaux par le biais de la déduction fiscale. Ce parent pourra également ajouter au montant de cette part contributive les frais exceptionnels qu’il verse pour les enfants (activités, frais scolaires, frais médicaux, etc)

Cette déduction fiscale est très avantageuse pour le parent qui verse une aide financière car elle est déduite de la partie des revenus la plus imposée (au contraire de la charge fiscale qui l’est sur la partie la moins imposée). Il est impossible de cumuler une déduction et la charge fiscale.

Attention que le SPF FINANCES pourrait refuser la déduction et imposer le partage de la charge fiscale si la décision ne mentionne pas clairement la disparité de revenus justifiant le versement de cette part contributive.

Il est donc important de veiller à ce que les situations de chacun soit bien détaillées et d’introduire un recours si le SPF finances venait à vous imposer le partage de la charge fiscale.

 

Notre cabinet d’avocats DROIT ET MEDIATION à Chênée vous conseille au mieux pour équilibrer les situations des parties. N’hésitez pas à prendre rendez-vous pour obtenir des informations et des pistes de solutions.

Valérie LONEUX et Caroline DETHY – avocates au Barreau de LIEGE-HUY